Depuis décembre 2024, une réforme promettait de renforcer les droits des bénéficiaires de l’Allocation adulte handicapé (AAH). Si elle marque une avancée notable pour certains, elle laisse pourtant une partie des personnes handicapées sur le bord de la route. Alors, avancée sociale ou simple mesure à moitié appliquée ?
La loi n° 2023-1322 introduit une mesure sans précédent : permettre aux bénéficiaires de l’AAH présentant un taux d’incapacité de 80 % ou plus de continuer à percevoir cette allocation après 62 ans, même en poursuivant une activité professionnelle. Une révolution pour ceux qui, jusqu’alors, voyaient leur AAH supprimée dès qu’ils atteignaient l’âge légal de départ à la retraite.
Mais la réforme établit une frontière nette : les bénéficiaires ayant un taux d’incapacité compris entre 50 % et 79 % sont totalement exclus de cette mesure. Pour eux, à 62 ans, c’est une bascule automatique vers une retraite souvent insuffisante. Un choix qui soulève des interrogations sur l’équité et l’inclusivité de cette réforme.
Critères | ≥ 80 % incapacité | 50 % - 79 % incapacité |
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Cumul AAH et activité | Autorisé | Interdit |
Maintien de l’AAH après 62 ans | Oui | Non |
Retraite calculée au taux plein | Oui | Non |
Compléments (MVA, ressources) | Réactivation possible | Non applicable |
Pour les bénéficiaires lourdement handicapés (80 % ou plus), cette réforme est un véritable soulagement. En effet, elle leur offre :
Cette avancée permet également de réactiver rétroactivement des compléments suspendus, comme les majorations pour la vie autonome (MVA), un soutien essentiel pour préserver l’autonomie des personnes concernées.
Là où le bât blesse, c’est pour les bénéficiaires jugés "moins handicapés". Ceux dont le taux d’incapacité est compris entre 50 % et 79 % voient leurs droits brutalement suspendus dès 62 ans. Leur AAH s’arrête, et ils doivent se contenter d’une retraite souvent insuffisante pour vivre dignement.
Cette distinction arbitraire interpelle. Pourquoi priver ces personnes d’un soutien financier alors qu’elles font face aux mêmes défis pour se maintenir dans l’emploi ou pour vivre décemment avec des pensions parfois dérisoires ? Les associations dénoncent une réforme qui favorise les plus lourdement handicapés tout en oubliant les autres, et appellent à une extension des droits pour inclure tous les bénéficiaires.
Malgré ses avancées, la réforme ne résout pas l’inégalité criante entre les différents profils de bénéficiaires. Les associations de défense des droits des personnes handicapées pointent du doigt un dispositif à deux vitesses qui, tout en améliorant la situation de certains, enfonce un peu plus les autres dans la précarité.
Si cette réforme garantit une meilleure sécurité financière pour les bénéficiaires les plus lourdement handicapés, elle accentue aussi une fracture sociale. En laissant de côté les personnes avec un handicap modéré, le dispositif perpétue une logique de classement injuste et, selon les critiques, potentiellement discriminante.
La réforme de l’AAH à la retraite est-elle une avancée sociale ou un mirage pour calmer les revendications ? Si elle marque une étape importante, elle reste largement incomplète. Des ajustements s’imposent pour répondre aux besoins de l’ensemble des bénéficiaires, indépendamment de leur taux d’incapacité.
Les associations appellent à un élargissement des droits pour que tous, qu’ils soient lourdement ou modérément handicapés, puissent bénéficier de la même reconnaissance et du même soutien. Une question qui, au-delà des chiffres, interroge sur les valeurs de solidarité et d’inclusion de notre société.