Accepter une augmentation salariale est généralement perçu comme une avancée. Pourtant, pour des milliers de salariés modestes, c’est un choix loin d’être évident. En effet, une hausse de salaire peut entraîner la perte de certaines aides sociales, comme la prime d’activité. Ce phénomène, lié aux effets de seuil, soulève un vrai dilemme : vaut-il mieux gagner plus ou préserver ses aides ? Retrouvez notre quizz en fin de page.
L’idée qu’une augmentation salariale puisse réduire le revenu global peut sembler absurde, mais c’est une réalité pour de nombreux ménages modestes. Ce paradoxe est dû au système des aides sociales dégressives, qui diminue ou cesse dès qu’un certain plafond de revenus est franchi.
Les effets de seuil désignent ces situations où une légère augmentation de salaire fait perdre l’éligibilité à des prestations sociales. Prenons l’exemple de la prime d’activité, versée par la CAF. Une hausse de revenu, même minime, peut faire passer un salarié au-dessus du plafond d’éligibilité, entraînant la disparition totale ou partielle de l’aide.
Selon la Drees, une personne célibataire qui gagne 2 013 € mensuels touche encore 15 € de prime d’activité. Mais une augmentation de seulement 1 € fait tomber cette aide à zéro, représentant une perte nette.
Outre la prime d’activité, une hausse de salaire affecte également d’autres aspects financiers. Elle entraîne une augmentation des cotisations sociales, un passage à une tranche d’imposition supérieure et parfois la perte d’aides comme l’allocation de rentrée scolaire ou la Paje. Ainsi, le revenu disponible réel du salarié peut diminuer malgré une augmentation brute.
Le seuil d’éligibilité à la prime d’activité dépend de la composition du foyer. Voici un tableau récapitulatif des plafonds de revenus mensuels pour continuer à percevoir cette aide en 2024 :
Situation familiale | Plafond de revenus mensuels (€) | Montant minimal de la prime (€) |
---|---|---|
Personne seule | 2 013 | 15 |
Couple sans enfant | 2 821 | 15 |
Personne seule avec 1 enfant | 2 818 | 15 |
Couple avec 1 enfant | 3 438 | 15 |
Couple avec 2 enfants | 4 055 | 15 |
Ces seuils montrent à quel point une augmentation salariale peut rapidement avoir des conséquences négatives sur les aides sociales.
Face à ces chiffres, certains salariés n’hésitent pas à refuser des augmentations pour préserver un revenu global plus avantageux. Ce choix, qui peut sembler paradoxal, est en réalité une stratégie financière dans certains cas.
Une étude de la Drees montre que pour qu’un salarié au Smic gagne réellement 100 € supplémentaires de revenu disponible, son employeur doit lui accorder une augmentation brute de 442 €. Voici pourquoi :
Au final, la hausse perçue par le salarié est bien moindre que l’effort consenti par l’employeur, limitant l’intérêt d’une augmentation.
Le système actuel des aides sociales est critiqué pour ses effets dissuasifs sur la progression salariale. Plusieurs pistes sont envisagées pour y remédier.
Pour encourager les salariés à accepter des augmentations sans craindre de perdre leurs aides, les experts suggèrent :
Ces ajustements pourraient permettre aux salariés de profiter pleinement de leurs hausses de revenus, sans se retrouver dans une situation financièrement désavantageuse.
Le dilemme entre augmentation salariale et maintien des aides met en lumière une faille importante du système social français. Pour éviter que les ménages modestes soient pénalisés, une réforme en profondeur est indispensable. Cela permettrait de réconcilier progression salariale et sécurité financière, tout en encourageant une meilleure dynamique économique.
En attendant, pour beaucoup de salariés, le choix reste difficile : gagner plus aujourd’hui ou préserver ses aides pour demain.