AAH : les Français handicapés à l'étranger, oubliés par la République ?

Auteur Manuel Martin
Publié le 20 janvier 2025 à 12h35Par Manuel Martin

L’Allocation aux adultes handicapés (AAH), qui assure un revenu minimum aux personnes en situation de handicap, est source d'inégalités criantes pour les expatriés français. En dépit de leur citoyenneté, ces derniers sont soumis à des critères drastiques, bien différents de ceux appliqués en France. Alors, les Français de l'étranger sont-ils des citoyens de seconde zone ?

L’AAH, une aide vitale… mais pas pour tous

En France, l’AAH offre une bouée financière (voir les nouvelles conditions sur l'augmentation de l'AAH) en 2025 à ceux dont le handicap limite la vie quotidienne ou l’accès à l’emploi. Pour y prétendre, les critères sont stricts :

  • Un taux d'incapacité d'au moins 80 %, ou 50 % si le handicap entrave durablement l'accès à l’emploi.
  • Un plafond de ressources, pris en compte avec la déconjugalisation appliquée depuis 2023.
  • Une résidence permanente en France.

Mais une fois à l’étranger, la donne change. Les Français établis hors du territoire voient leur situation traitée avec une rigidité surprenante. Le ministère des Affaires étrangères gère leur dossier à travers les consulats, souvent avec des montants très inférieurs, et sans aucune garantie légale.

Des conditions draconiennes pour les expatriés

Les Français vivant à l'étranger peuvent demander l'AAH auprès de leur consulat. Mais les conditions sont loin d’être équitables :

  • Le taux d'incapacité exigé est systématiquement fixé à 80 % minimum, excluant les personnes éligibles dès 50 % en France.
  • Contrairement aux résidents français, leur handicap doit être évalué sans prendre en compte l’impact sur leur employabilité.
  • La déconjugalisation, censée offrir une autonomie financière, est mal appliquée : les revenus des membres de la famille, même non résidents dans le pays, restent pris en compte.

Ces disparités placent les expatriés en situation de précarité, souvent dépendants d’aides aléatoires et sans cadre juridique clair.

Des parlementaires montent au créneau

Face à ces inégalités, deux sénatrices, Mathilde Ollivier et Mélanie Vogel, veulent réformer le système. Leur proposition ?
Créer un cadre législatif qui harmonise les critères d’attribution de l’AAH pour les Français de l’étranger. Cela inclurait :

  • La possibilité d'obtenir l’AAH dès 50 % d’incapacité, comme en France, dès lors que le handicap limite l’accès à l’emploi.
  • Une suppression des critères liés aux revenus familiaux, permettant une réelle indépendance financière.

Mais cette réforme est loin de faire consensus. Les objections budgétaires pleuvent : en 2023, le rapporteur du projet de loi de finances affirmait que les coûts seraient « insupportables » pour le programme d’aide consulaire.

Ce que perçoivent vraiment les Français à l’étranger

En France, les bénéficiaires de l’AAH peuvent toucher jusqu’à 971,37 € par mois, selon leur situation. À l’étranger, le montant est souvent bien moindre :

CritèreFranceÉtranger
Taux d’incapacité requis≥ 50 % (sous conditions)≥ 80 % obligatoire
Montant maximum mensuelJusqu’à 971,37 €321,45 € en moyenne
Base légaleEncadrée par la loiDécision consulaire aléatoire
Déconjugalisation appliquéeOuiPartiellement

Le constat est clair : les Français à l'étranger reçoivent un traitement qui, malgré leur citoyenneté, les laisse dans une situation de dépendance.

Une réforme nécessaire, mais un long chemin à parcourir

La proposition de loi déposée par les parlementaires pourrait marquer un tournant historique en alignant les droits des expatriés sur ceux des résidents. Mais la réforme reste suspendue aux priorités budgétaires.

En attendant, des milliers de Français à l’étranger vivent avec une AAH insuffisante ou inexistante, alors même que leur handicap reste le même, peu importe la latitude.

La République se veut indivisible. Mais pour les Français handicapés à l'étranger, cette indivisibilité semble s’arrêter à la frontière. Le combat pour l'égalité des droits continue, mais le chemin reste semé d’embûches.

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